PAR JEAN CLAUDE LANDRY
Quel désolant feuilleton que celui d’un imprévisible président et un énigmatique dirigeant suprême qui s’échangent à qui mieux, mieux menaces, insultes et provocations. Spectacle dramatique auquel assiste le monde entier puisque ces deux « troublants » personnages disposent du pouvoir de faire usage de l’arme ultime, la bombe atomique.
L’attribution du Prix Nobel de la Paix 2017 à la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (ICAN) survient donc à un moment particulièrement opportun comme le soulignait, d’ailleurs, la présidente du Comité Nobel norvégien lors de l’attribution du Prix. « Le risque d’utilisation d’armes nucléaires est, disait-elle, actuellement plus élevé qu'il ne l'a été depuis longtemps. »
À l’origine de l’adoption en juillet dernier, à l’Organisation des Nations Unies (ONU), d’un traité d’interdiction des armes nucléaires menant à leur élimination totale, la campagne ICAN regroupe des organisations non gouvernementales provenant d'une centaine de pays. Son initiative soutenue par 122 des 192 États membres de l’organisation internationale, a toutefois été boudée par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ( États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni ), tous détenteurs, par ailleurs, de l’arme nucléaire. Hormis les membres permanents du Conseil de sécurité, quatre pays disposent de ce type d’armes (Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord) pour un total de neuf pays détenteurs.
Les armes nucléaires sont les seules armes de destruction massive à ne pas être encore interdites par un traité international. On estime aujourd’hui à environ 5000 le nombre d’armes nucléaires qui peuvent, volontairement ou accidentellement, être lancées dans un délai de quelques minutes seulement.
Suite à la découverte de la bombe atomique et à son utilisation contre le Japon en 1945, les pays qui ont développé ou tenté de développer l’arme nucléaire affirment l’avoir fait pour se prémunir contre une attaque du même genre, certains voulant d’abord assurer la survie de leur régime. C’est notamment le cas de l’Iran et de la Corée du Nord, deux pays qui ont tenté de développer l’arme nucléaire; le second avec succès.
Aussi pertinents qu’ils soient, les appels des grandes puissances lancés aux pays tentés de se doter de l’arme nucléaire et les sanctions imposées à ceux qui y passent outre souffrent d’un important déficit de légitimité. Comment peut-on refuser aux autres ce qu’on se permet à soi-même et bouder, ostensiblement, une initiative visant à éliminer une fois pour toutes une arme dont l’utilisation, accidentelle ou volontaire, pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour l’humanité?
Et que penser de la position du Canada qui, tout en refusant le déploiement en sol canadien d’armes nucléaires, refuse d’adhérer un traité global d’interdiction des armes nucléaires? M. Trudeau, qui, depuis son accession au pouvoir multiplie les déclarations en faveur la paix mondiale, s’est empressé d’affirmer que le Canada ne signerait pas le traité proposé par ICAN. Occasion manquée pour le Premier ministre du Canada de joindre le geste à la parole.
Doit-on rechercher la paix par un véritable désarmement nucléaire universel ou par le maintien de « l’équilibre de la terreur »? Poser la question c’est déjà y répondre. D’autant plus que des personnages aux comportements imprévisibles et irresponsables accèdent aujourd’hui aux plus hautes fonctions de pouvoir,
Il faut donc soutenir et promouvoir la campagne ICAN. Une initiative plus pertinente que jamais.